Echec de l’ouverture des marchés

Echec de l’ouverture des marchés : la CRE refuse l’évidence et demande la suppression des tarifs historiques

 

La CRE a présenté à la presse, le 30 Juin dernier son rapport d’activité 2005 sur l’état de l’ouverture de marchés du Gaz et de l’Electricité.

 

Elle ne peut que constater l’absence de concurrence réelle, preuve parmi d’autres de l’échec de la libéralisation du secteur.

Mais ce constat est présenté de manière tendancieuse. Le manque de clarté dans l’exposé des chiffres frise parfois la mauvaise foi.

 

Ainsi, nulle part n’apparaissent, dans le communiqué de la CRE, les chiffres les plus significatifs de l’état de la concurrence sur les marchés du Gaz et de l’Electricité : pour l’électricité, seul 1,3% des sites éligibles (soit 59200 sites) sont partis à la concurrence, ce qui représente 13% du volume en énergie (sachant qu’avant l’ouverture de Juillet 2004, ce chiffre s’élevait déjà à 9,5%).[1]

 

La CRE préfère mettre en avant des chiffres beaucoup plus difficilement interprétables, en indiquant par exemple que « 205 000 sites s’approvisionnent sur le marché, [représentant] environ la moitié de l’électricité en quantité d’énergie ». Ces chiffres laisse à penser qu’il existe un réel marché.

La réalité est tout autre : quelques très gros sites ont choisi de « sortir de leur tarif historique » pour renégocier leur contrat avec EDF. Ces grands clients, qui avaient fait du lobbying pour obtenir l’ouverture des marchés en espérant, malgré toutes les expériences étrangères, qu’il en résulterait une baisse des prix, ont voulu profiter des prix artificiellement bas au lancement du « marché ». Mais faut-il rappeler qu’ils l’ont amèrement regretté depuis, exprimant par la voix de M. Aghetti leur colère et leurs craintes au printemps dernier, déclarant que la libéralisation était un échec, demandant à l’Etat d’intervenir, négociant avec M. Gaymard des parts dans le nouvel EPR contre un retour à des contrats Long Terme à bas prix (équivalent des tarifs historiques), menaçant de licencier et de délocaliser …

 

On comprend dans ce contexte que les nouveaux clients éligibles soient plus méfiants, d’autant que le « prix de marché » a explosé depuis !

 

La CRE préfère enrober cette réalité dans un flou … comme elle préfère taire une autre preuve patente de l’absence d’une concurrence réelle : les commerciaux d’EDF se voient attribuer des objectifs de perte de part de marché. Ainsi, le problème pour EDF n’est pas de conserver ses clients, mais d’en perdre suffisamment pour faire croire à la concurrence !

 

 

Face à ce constat d’échec, au lieu de s’interroger sur  la validité du modèle de marché et de reconnaître l’impossibilité d’instaurer une concurrence réelle, la CRE se contente d’accuser les « facteurs peu favorables à l’ouverture et au bon exercice de la concurrence » , dont le maintien de tarifs régulés.

 

 

 

 

 

Epousant les revendications d’EDF et de ses concurrents, elle appelle de manière récurrente chacun des acteurs à faire du lobbying pour obtenir leur disparition.

On arrive alors à une inversion proprement stupéfiante de l’objectif et des moyens : il ne faut plus instaurer la concurrence pour faire baisser les prix, mais faire monter les prix pour permettre la concurrence !

 

L’ouverture des marchés de l’énergie apparaît alors clairement pour ce qu’elle est : une manne financière pour quelques intérêts privés, au dépend des usagers et de la collectivité.

 

Les clients ne veulent pas « aller sur le marché » ? Le « squizz tarifaire » (différence entre tarif régulé et prix de marché) les empêche de quitter leur tarif.

On va les y contraindre !

 

Mais les conséquences risquent d’être lourdes pour eux, car la suppression des tarifs historiques peut se traduire par des hausses de prix très importantes, et totalement incontrôlables. A titre d’exemple, sur le Platt’s (indice de prix de marché), les prix en base sont passés de 23 euros/MWh à en 2002 à 46 euros/MWh pour 2006 : en Grande Bretagne, les prix atteignent maintenant 60 euros / MWh.

 

Coïncidence malheureuse ?

La CRE voit dans les hausses de prix de marché une « coïncidence malheureuse », liée à une augmentation du coût des énergies fossiles et des coûts liés aux taxes des émissions de CO2 imposées aux producteurs.

Pour le secteur électrique, elle semble oublier que ces coûts n’impactent pas la production française, presque exclusivement nucléaire et hydraulique. Les permis d’émission de CO2 rapportent même à EDF, qui les revend sur le marché. En toute logique, ils auraient donc dû faire baisser les prix en France.

 

La CRE semble également nier toutes les études, notamment celles de l’Observatoire International des coûts énergétiques, qui concluent à des hausses de prix induites par la libéralisation du marché de l’électricité.

 

Les coûts liés à la désorganisation du système sont, eux, bien tangibles, mais jamais évoqués.

 

Enfin, la CRE, loin de remettre en cause le processus d’ouverture des marchés, présente comme inéluctable sont extension au marché des particuliers en Juillet 2007.

La promesse d’un bilan à fin 2006, qui conditionnerait la poursuite du processus, est-elle déjà oubliée ?

 

Comment et par qui se fera le bilan en 2006 ? Pourquoi le système électrique est-il régulé par un organisme, la CRE, qui impose envers et contre tout les préceptes de libre concurrence, même quand il est évident qu’ils ne peuvent pas s’appliquer ?

 

SUD-Energie dénonce l’attitude partiale et prosélyte de la CRE.

 

Malgré cette partialité, le constat d’échec du processus de libéralisation du secteur électrique est patent. Dans ces conditions, l’ouverture du capital d’EDF et de GDF, qui marque un pas de plus dans cette voie sans issue, doit être arrêté.

De même, l’ouverture à la concurrence du marché des clients particuliers, prévue en 2007, ne peut se faire sans réel bilan ni débat. Pour SUD-Energie, si le gouvernement tenait compte de ce bilan et du souhait de la majorité des citoyens, il ne pourrait que renoncer à cette mise en concurrence.

 

SUD-Energie réaffirme également son opposition à la suppression des tarifs régulés, qui se traduirait par des hausses de prix incontrôlées pour les clients.

 

Cette attaque contre les tarifs régulés est une preuve supplémentaire de l’échec du « marché » à garantir des prix bas et stables. Seul le retour à un monopole public peut garantir un service public de l’énergie de qualité, dans le respect des contraintes sociales et environnementales propres au domaine de l’énergie.

 

 

 

 

                        Pour la Fédération SUD-Energie

            Anne Debrégeas         06 83 55 10 47           anne.debregeas@edf.fr



[1] Rappelons que lorsque les clients deviennent « éligibles », ils ont le choix de  garder leur tarif régulé (fixé par décret) ou « exercer leur éligibilité », soit en négociant une « nouvelle offre » avec EDF, soit en signant un contrat avec des fournisseurs alternatifs. Seuls 3,2% des sites avaient exercé leur éligibilité en Avril  pour l’électricité, et parmi ceux-là, presque les 3/4 étaient restés à EDF