Consultation du Personnel sur l’avenant à l’accord Temps de travail : SUD-Energie vous appelle à voter contre cet avenant

Lettres aux salariés d'EDF SA

Chers collègues,

A quelques jours de l’ouverture à la signature des organisations syndicales sur le projet d’avenant à l’accord de 1999 sur l’organisation du travail et le temps de travail, la CGT organise une consultation de tous les salariés d’EDF SA pour recueillir leur avis sur cet avenant (à la R&D, SUD-Energie et la CFTC s'associent à cette consultation).

Nous vous appelons à vous saisir de cette consultation pour exprimer votre opposition à ce projet d’avenant, qui tourne le dos à un partage du travail plus que jamais nécessaire.

Les organisations syndicales représentatives au niveau national ont les moyens de refuser cet accord –(cf. Fiche « Conditions mise en place Forfait Jour »).

Faites-leur savoir que vous ne voulez pas de cet accord !

Pour SUD-Energie, ce projet d’avenant marque un recul majeur tant pour les conditions de vie des salariés concernés que pour le projet de société qu’il porte, une société dans laquelle certains travailleront beaucoup quand d’autres n’accéderont pas à l’emploi, et dans laquelle le droit du travail s’affaiblira aux dépends de la précarité.

Il s’agit d’un choix individuel, bien sûr, mais également d’un choix collectif.

Ce projet s'inscrit dans une attaque massive, au plan national, contre la réduction du temps de travail (et même pour son allongement) et pour un démantèlement du Code du Travail (cf. Appel à la journée de mobilisation interprofessionnelle le 8 octobre prochain).

 

Nous développons ci-après l’argumentaire contre ce projet d'avenant que nous avons porté tout au long de ces derniers mois :

 

Un projet dont l‘objectif principal est d‘allonger le temps de travail

Objectif clairement annoncé …

La Direction d’EDF ne s’en est jamais cachée : ce projet d’avenant a pour objectif principal d’allonger le temps de travail de ses salariés et de légaliser des heures supplémentaires massives et non déclarées qui lui ont valu des remontrances de l’inspection du Travail. Le reste n’est qu’enrobage.

La raison avancée par la Direction est le surcroît de travail qui attend l’entreprise et ses salariés, principalement dans le nucléaire avec le lourd programme de maintenance du parc dans un objectif d’allongement de sa durée de vie (projet « grand carénage »). Or d'après nos Directions, l'Entreprise ne serait plus en capacité d’embaucher plus qu’elle ne le fait déjà. Il n’y aurait donc pas d’autre solution que de travailler plus (cf. Propos de Dominique Minières dans VivreEDF, très largement relayés).

La Cour des Comptes, comme la presse, ont d’ailleurs préparé le terrain en dénonçant les « avantages » des salariés d’EDF (cf. Nos réponses aux attaques de la Cour des Comptes).

A noter que ces arguments n’ont pas de raison de ne s’appliquer qu’aux cadres : agents de maîtrise et d’exécution, cela vous concerne aussi !

… Et vérifié dans l’accord

Cette augmentation du temps de travail se retrouve bien dans le projet d’avenant puisque la formule « standard » à 209 jours correspond à 15 jours de plus que les 35h, 32 jours de plus que les 32heures (en supposant que les journées seront bien de 8h en moyenne). Voir nos tests comparatifs pour plus de détails.

Bien sûr, d’autres formules seront possibles, mais l’objectif de l’entreprise étant bien de faire travailler plus ses salariés, on imagine la pression à laquelle devront faire face chaque salarié qui souhaite opter pour une formule à temps réduit.

A rebours de toutes les luttes pour la baisse du temps de travail …

Le temps de travail n’a cessé de diminuer depuis 200 ans, ce qui a permis d’améliorer la qualité de vie des salariés et de leur famille, d’allonger la durée de vie, d’aller vers l’égalité professionnelle Homme-Femme sans obliger l’un (ou l’une !) à choisir entre sa carrière et les enfants. La baisse du temps de travail a toujours été un axe essentiel du progrès social et a toujours été conquise face à un patronat qui annonçait faillites et catastrophes en tous genres en cas de nouvelle baisse. (cf. Fiche « Petite histoire du temps de travail »).

Au total, tandis que l’espérance de vie augmentait, le temps de travail a pratiquement été divisé par 2 depuis le début du 19ème siècle : 2695 heures par an en 1896 contre 1441 heures par an en 2004. Chaque étape de ce progrès social, revendiqué par les salariés, s’est heurtée à l’opposition massive du patronat et des gouvernements qui défendent les intérêts des plus riches. Les mêmes arguments ont toujours été avancés : la fin du travail des enfants, la journée de 10h puis de 8h, les congés payés puis leur progression à 5 semaines, les 40 puis 35 heures, les retraites à 65 puis 60 an, allaient ruiner les entreprises et l’économie du pays.

L’Histoire a prouvé le contraire : les travailleurs et leur syndicats ont imposé par des luttes, parfois sanglantes, un partage des fruits du travail, dans cette société inégalitaire. Cette réduction du temps de travail s’est au contraire accompagnée d’une très forte augmentation de la richesse par habitant (mesurée par le PIB, Produit Intérieur Brut, par habitant) : tandis que le temps de travail était divisé par deux, cette richesse par habitant était en effet multipliée par 8 (soit 2% d’augmentation par an).

A-t-on vraiment dépassé le "temps de travail optimal", alors que le taux de chômage dépasse les 10%, et s’approche des 30% pour les 15-25 ans ? Ou bien subit-on les conséquences d’affaiblissement du mouvement syndical, victime en partie de la précarité ambiante, face à un patronat qui en profite?

Dans un contexte économique qui justifierait plus que jamais un partage du travail :

Si le temps de travail n’avait pas baissé au cours des derniers siècles, les gains de productivité auraient entraîné une explosion du chômage.

Sur une période plus récente, les créations d’emploi ont explosé au moment de la mise en place des 35h, malgré toutes les imperfections de cette loi, la baisse du temps de travail est, sur longue période, le seul moyen de créer des emplois. En témoigne ce décompte, rappelé par l’économiste Michel Husson dans Le Monde.fr : « 500 000 créations nettes dans le secteur privé de 1974 à 1997 ; 1,9 million de 1997 à 2002 ; et 200 000 depuis. Les trois quarts des emplois nets créés depuis 37 ans l'ont donc été durant la période du passage aux 35 heures. »

Voir également le rapport parlementaire présenté en mars 2015 sur la question, dont la rapporteure, Barbara Romagnan, résumait la conclusion « La baisse du temps de travail a été la politique de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse depuis les années 1970 »(voir article). Or, avec un chômage qui ne cesse de croître, cette baisse paraît plus que jamais nécessaire, si l’on ne veut pas d’une société à deux vitesses, qui laisse sans emploi un nombre croissant de personnes.

 

Qui permet de légaliser des dépassements horaires massifs et dangereux dénoncés par l’ASN :

En 2012, l’ASN (qui assure la fonction d’inspection du travail pour les salariés des centrales) pointait une explosion du temps de travail effectif mettant en danger la sûreté des installations et la santé des salariés. Dans un courrier du 19 juin 2012 à la Direction de la Division Production Nucléaire d’EDF : " les infractions relevées par les inspecteurs du travail de l’ASN mettent en évidence, sur l’ensemble du parc en exploitation, des dépassements, parfois extrêmement importants, des limites des différentes durées réglementaires du travail, et des insuffisances de repos caractérisées ". Après avoir rappelé qu’il s’agissait, comme dans toute entreprise, d’un problème de santé et de sécurité, elle faisait également le lien, dans ce même courrier, avec la sûreté des installations, recherches académiques à l’appui, en « dénonçant aussi les effets néfastes de la durée élevée du travail […], pour ce qui concerne les centrales nucléaires, sur la sûreté des installations » (cf. tract "Temps de travail et sûreté nucléaire").https://www.sudenergie.org/2015/04/temps-de-travail-et-surete-nucleaire-lirresponsabilite-dedf/

Et dans le reste de l’Entreprise, la situation n’est guère meilleure : dans une enquête « Temps de travail à EDF SA en 2008 », 95% des cadres d’EDF déclaraient faire des journées de plus de 8h, et même de plus de 10h pour 53% d’entre eux !

 

Devant un tel constat, la seule réaction saine d’une entreprise soucieuse de la santé de ses salariés et de la sûreté de ses installations serait d’embaucher, pour faire en sorte que la charge de travail soit compatible avec des horaires « normaux », plutôt que de tenter de cacher ces dépassements et les légaliser par le Forfait-Jour !

 

Un projet qui modifie la nature du contrat de travail

 

Un forfait dérogatoire à la durée légale du travail :

Comme nombre de mesures depuis maintenant plus d’une décennie, le Forfait-Jour déroge au Code du Travail, en contournant les durées légales de temps de travail journalières et hebdomadaires : plus de limites de 48h par semaine ou 10h par jour. Le Forfait-Jour permet de travailler 13h par jour, 78 heures par semaine (13 * 6) (cf. encadré DTG p2).

Il ne s’agit pas d’une « souplesse » pour le salarié, mais bien de la perte de garanties.

Ces dérogations détricotent progressivement le code du travail, aux dépends des salariés (cf. Fiche "Durées Légales").

 

Au risque de la santé des salariés et de la sûreté des installations :

L’ASN a rappelé dans son courrier adressé à la DPN d’EDF les risques pour la santé des salariés et la sûreté des installations de dépassements horaires massifs. Or les cas de burn-out et les problèmes psycho-sociaux se multiplient chez les cadres au Forfait-Jour, et le temps de travail des cadres au Forfait-Jour est supérieur au temps de travail moyen des cadres.

 

Un passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultats : un salarié traité comme un prestataire indépendant

Tout d’abord, le forfait jour remet en cause fondamentalement la nature de notre contrat de travail : le cadre autonome ne doit plus du temps à une entreprise, mais un résultat, défini par des objectifs « négociés » (sic), et bien sûr individuels avec sa hiérarchie. Comme un sous-traitant ! En cas de non atteinte des objectifs, tout est à craindre (pas d’avancement, une quasi-obligation d’heures supplémentaires…), d’autant plus que les moyens peuvent ne pas suivre.

 

Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, est venu l’expliquer aux salariés de la R&D et de la DTG (cf. vidéo G.Filoche)
– à 35h, à 32h RCTT, vous êtes couverts COLLECTIVEMENT par le Code du Travail ;
– au Forfait-Jour, vous signez un contrat INDIVIDUEL avec votre employeur, de gré à gré, et vous passez progressivement dans le Code Civil des contrats de commerce (vous voilà presque sous-traitant(e)s !)

La grande différence entre Code du Travail et Code Civil, c'est que l'un impose une obligation de moyens quand l'autre impose discrètement une obligation de résultats. Avec le Code du Travail, vous avez des horaires et c'est le respect des horaires qui vous engage sur votre obligation de moyens. Avec le Code Civil, vous avez une obligation de résultats et vous vous engagez sur vos objectifs individuels !

Personne ne sait vraiment dire aujourd'hui ce que pourra faire l'employeur d'un salarié qui n'aura pas réalisé ses objectifs. A priori, la porte est ouverte à tout type de sanction !
Quand un salarié sera engagé sur ses objectifs, que cela deviendra la base de son contrat de travail, on imagine le stress de ceux qui n’arriveront pas à les tenir, pour des raisons qui ne leur seront pas nécessairement imputables, le sentiment de précarité, de devoir se justifier encore plus qu’avant.

Cette casse des équipes, cette négation de tout collectif de travail qu'est le Forfait-Jour, puisque seule compte l’atteinte d’objectifs individuels, ne peuvent que nuire à la qualité et à l’efficacité du travail.

Et pour le salarié, l’exemple de France Télécom montre à quoi mènent une telle individualisation et une telle pression sur les résultats. Le cadre qui ne parvient pas à atteindre ses objectifs sera poussé à travailler sans fin au péril de sa santé.

 

 Des compensations individuelles qui ne masquent pas l’essentiel

Des gains salariaux très relatifs :

Pour faire passer ce projet d’avenant largement rejeté en 2010, la Direction promet des compensations financières. Mais, sans revenir sur ce principe du « travailler plus pour gagner plus » à une époque de chômage de masse, cet avenant propose une réduction du taux horaire (donc du salaire à temps de travail égal).

Pour ceux qui décideront – ou plus vraisemblablement seront obligés – d’augmenter leur temps de travail, ils « bénéficieront » :

–      Pour les cadres à 35h aujourd’hui, d’une augmentation de 2NR (soit 4,5 %), ou 10 000 € avant impôt, ainsi que d'une prime fixe de 3% et d'une prime variable de 0 à 4.5% sur 12 mois, pour 15 jours de travail supplémentaires et un temps moyen journalier probablement augmenté.

–      Pour les cadres à 32 heures collectifs (payés aujourd’hui 34), d’une augmentation identique aux salariés à 35h (2 NR ou 10 000€ + prime fixe de 3% et d'une prime variable de 0 à 4.5% sur 12 mois) + 1/35ème de salaire, soit 7,4% avant impôt, pour 32 jours de travail supplémentaire, ou bien 7.1% d’augmentation pour un passage au forfait 202 jours, soit 25 jours de travail supplémentaire.

Rien pour les générations futures, pour ceux qui hésitent, pour les Exécution et Maîtrise :

Les futurs salariés, nos enfants, subiront l’augmentation du temps de travail sans bénéficier des compensations financières. En acceptant cet avenant, nous accepterions donc une régression sociale claire pour les générations futures. Imaginez ce qu’auraient été nos conditions de travail si les membres du CNR (Conseil National de la Résistance) avaient négocié, à la sortie de la seconde guerre mondiale, la Sécu, la retraite et la 3ème semaine de congés payés pour leur seule génération, sans se soucier des futures.

Pour les salariés qui hésitent, qui n’ont pas les moyens d’opter rapidement pour le Forfait-Jour, ce sera la même punition.

Pour les salariés des collèges Exécution et Maîtrise, comment croire que si toute l’entreprise est incitée à travailler plus, leur temps de travail ne sera pas impacté ? En revanche, nulle compensation prévue pour eux.

Quant à l’organisation du temps de travail, elle est reportée à plus tard :

SUD-Energie, comme d’autres organisations syndicales, revendique depuis des années des améliorations du temps de travail passant par une nécessaire consultation des équipes. Aucune réponse n’y a jamais été apportée.

La Direction renvoie les négociations sur le télétravail, adoptées dans de très nombreuses entreprises, à plus tard.

Les « souplesses » promises (possibilités de faire des journées plus courtes et d’autres plus longues) sont fictives : les cadres seront, comme aujourd’hui, tenus aux contraintes des équipes, des réunions, de plages de présence obligatoires, aujourd’hui non précisées dans l’accord. L’accord actuel permet déjà des reports de RTT qui donnent une souplesse considérée comme suffisante par les salariés. On aurait pu encore améliorer cette souplesse en permettant un décompte par heures des RTT.

Quant aux cadres intégrés, qui ne pourront ou ne voudront pas passer au Forfait-Jour, ils perdront clairement de la souplesse, ils devront faire 35 heures sur 5 jours, n’auront pas accès au télétravail, ce qui ressemble fort à une punition.

 

 Les revendications de SUD ÉNERGIE

Pour SUD-Energie, l’allongement du temps de travail est irresponsable au regard de la situation de l’emploi, de la santé des salariés, de l’équilibre entre vie privée et vie publique, de la sûreté des installations.

 

SUD-Energie revendique un partage du travail, passant par :

  • Un plan d’embauche à la hauteur des besoins
  • Un maintien des accords en vigueur et une incitation au passage à 32 heures dans l’ensemble des Directions
  • Un contrôle des dépassements horaires des salariés
  • Une réflexion sur l’organisation du travail pour permettre une meilleure transmission des compétences

 

Si SUD-Energie était représentatif sur l'ensemble de l’Entreprise (donc en capacité de signer),

nous ne signerions pas l’accord et nous nous y opposerions.

 

Un premier projet, très similaire à celui-ci, avait été bloqué par les salariés et leurs organisations syndicales en 2010. Nous n’avons aucune raison de le laisser passer cette fois.

Exprimez-vous ! Et si cela ne suffisait pas,

construisons un mouvement national de protestation contre ce projet.

Ne bradons pas des décennies de conquête sociale, pour nous et pour nos enfants, contre la promesse de quelques NR.

Ne choisissons pas une société du « chacun pour soi ».

 

 

 

SUD-Energie

https://www.sudenergie.org/ – 06 32 80 98 93 ou 06 83 55 10 47 – contact@sudenergie.org

Membre de l'Union syndicale Solidaires (voir site et communiqué de rentrée)