50 jours de lutte à la Division technique générale d’EDF !

– JOURNAL DE BORD DE LA LUTTE –

50 jours pour obtenir une ouverture de négociations à la DTG sur les déplacements !

Une caisse de solidarité s'organise pour aider à supporter les nombreuses heures non payés pour cause de grève. Vous pouvez faire un virement bancaire (IBAN : FR76 4255 9000 1641 0200 3342 012) ou envoyer un chèque à l'ordre de SEED à "SUD ENERGIE EDF DTG (SEED)/à l’attention de Philippe ANDRE/21, avenue de l’Europe/38100 GRENOBLE" sans oublier d'indiquer bien visiblement CONFIDENTIEL sur l'enveloppe. Dans les deux cas, prévenir les sudistes de la DTG par mail – montant et mode d'envoi : DTG-SUD-ENERGIE@edf.fr

La DTG est une unité d'ingénierie opérationnelle d'EDF rattachée à la DPIH (l'hydraulique), mais qui a la particularité de travailler pour toutes les unités de production (nucléaire, thermique classique, hydraulique, énergies nouvelles), le transport et les optimiseurs dans une vingtaine de domaines différents (machines électriques, turbines, régulations, génie civil, conduites forcées, vibrations, ressources en eau, météo… bref, tout ce qui mérite d'être expertisé et/ou appuyé chez les exploitants dans leur vie normale). Cette unité de 700 salarié-e-s est répartie sur 5 échelons sur le territoire (un peu moins de 500 agents à Grenoble, une petite centaine à Toulouse et Lyon, quelques dizaines à Brive et Béziers). Avec en gros 60% d'ingénieur-e-s et 40% de technicien-ne-s. Une bonne moitié de la DTG sillonne la France pour faire des mesures, de la maintenance et des expertises sur les sites de production. En moyenne, un agent de la DTG qui se déplace passe 65 nuits par an hors de son domicile.

ÉVÉNEMENT DÉCLENCHEUR DE LA LUTTE

L'annonce par EDF qu'une partie du forfait de remboursement des frais de déplacements (hotel+repas) allait être soumis à impôts et cotisations à partir du premier juillet 2017 a été une goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Jusqu'à présent, EDF payait les redressements que lui demandaient l'URSSAF, et elle a annoncé transférer ce coût sur les agents dès le milieu de cette année. Depuis 20 ans, les reculs sociaux (surtout en terme de pouvoir d'achat) ont été nombreux, et notamment pour celles et ceux qui se déplacent : fin du paiement des heures supplémentaires à la mise en place de l'accord local sur le temps de travail de 1999 (une avancée, mais qui s'est traduit pour cette population par une perte de pouvoir d'achat qui n'a pas du tout été gérée…), pression sur les cadres pour arrêter de pointer des IGD (indemnités grand déplacement) pour leurs réunions techniques, pression sur les hiérarchiques pour passer à la note (frais réels), fin de la pénibilité depuis 2010 pour tous les jeunes, et dès 2020 pour tout le monde (les agents en déplacements avaient 100% de taux de service actif, ce qui signifie que 15 ans de déplacements équivalaient à un départ en retraite anticipé de 5 années), limitation hiérarchique des heures supplémentaires en déplacement abaissant mécaniquement les heures de compensation en temps à leur retour, fiscalisation des IGD en 2015, et donc, mi 2017, la goutte d'eau qui fut de trop. L'ensemble des agents se déplaçant (techniciens+ ingénieurs) a demandé aux forces syndicales en vigueur d'organiser leur lutte pour les aider à exprimer leur colère. Cet événement fut concommitent avec une lutte nationale qui concerne toutes les unités d'EDF, sur le gel historique du salaire national de base, la baisse drastique des augmentations et la suppression de 7000 emplois sur les 65 000 agents d'EDF SA en quatre ans (de 2016 à 2019), en rajoutant un intéressement en berne lui aussi…

PAYSAGE SYNDICAL À LA DTG

En novembre 2016, lors des élections de représentativité syndicale, trois séïsmes ont eu lieu à la DTG, unité connue pour sa bonne humeur et sa docilité (population majoritaire d'ingénieurs) :
– le syndicat historiquement en tête à la DTG depuis toujours, la CFDT, passe en dernière position, derrière SUD, la CGC, FO et la CGT ;
– les syndicats de lutte, qui viennent de s'illustrer en 2016 dans leur longue lutte contre la loi El Khomri et en interne EDF, contre la mise en place du plus gros forfait jour de France, pour près de 25000 cadres d'EDF, sortent pour la 1° fois de l'histoire de la DTG largement en tête, avec plus de 60% des voix ;
– SUD ÉNERGIE, créé à la DTG tout récemment, en 2013, arrive pour la première fois de l'histoire de SUD ÉNERGIE en tête dans une unité d'EDF.
Toutes les IRP de la DTG passent sous contrôle des syndicats de lutte.

ÉTAPES DE LA LUTTE À LA DTG

– du 1° au 5 février, pétition intersyndicale CGT FO SUD CFDT CGC pour demander à la direction l'ouverture de négociations locales pour trouver ensemble un "statut décent de l'agent DTG en déplacement". En à peine une semaine, la pétition récolte 450 signatures sur 670 agents (dont beaucoup en déplacement). Tout le monde la signe (experts, ingénieurs spécialistes, chargés d'affaires, assistants techniques, techniciens d'intervention, chargés d'études, secrétaires, assistantes, stagiaires, intérims, sous-traitants…), sauf les hiérarchiques qui répondent à des consignes très strictes… L'étage de la direction est envahi, et le Directeur promet une réponse pour le CE (comité d'Etablissement) du 14 février
– le 14 février, stupeur et tremblements, le Directeur annonce qu'il n'est pas mandaté par Paris pour ouvrir des négociations…
– vacances de ski pendant 15 jours, et à Grenoble comme à Toulouse et dans tous les échelons, c'est sacré !
– au retour, le 6 mars, une assemblée du personnel, inspirée par la journée morte de la R&D, décide à l'unanimité le blocage du site pour le lendemain et l'installation d'un tas de sacs de déplacements dans l'atrium  différents sites, animés par une intersyndicale à 3 : CGT, FO & SUD :

– le 7 mars, comme prévu, dès l'aube, à 6h du matin, blocage du site de Grenoble :

à 10h, la Direction déclare la journée morte : "rentrez chez vous !"
– les trois lundis qui suivront, les assemblées du personnel se succèderont, avec toujours plus de 100 présents sur Grenoble, et une tentative de visio-conférence avec les échelons qui finira par rencontrer des problèmes techniques, et continueront de valider, souvent à l'unanimité la poursuite de l'arrêt des déplacements (essais, réunions et formations)et des blocages les mardis
– les trois mardis qui suivront, les sites de plus en plus nombreux seront bloqués, comme Lyon et Toulouse ci-dessous :

– les mêmes mardi (soit 4 de suite, la Direction sera envahie par le personnel en colère qui pourra constater de semaine en semaine l'évolution de la parole de la direction, d'abord très coulante sur les heures de grève, puis de plus en plus sévère, d'abord bienveillante, puis menaçante, toujours dans cette schizophrénie incompréhensible : nous comprenons votre lutte, nous la trouvons légitime, mais nous n'ouvrons pas de négociations !
– le 10 mars, visite d'un TOP10 d'EDF, Antoine CAHUZAC, directeur du Pôle Energies Renouvelables, et les agents, soutenus par CFDT, CGT, FO et SUD, lui préparent un comité d'accueil avec banderolle géante et pigeons (des vrais 😉 :

Tract DTG "On n'est pas des pigeons"

symbolique de la lutte des classes qui commence, Antoine Cahuzac aura ces mots sans ambiguïté en arrivant : "vous auriez dû me dire que vous ameniez les pigeons, j'aurais amené un faucon !"… Véridique !
– le 13 mars, la direction de la DPIH envoie une lettre de menace à tous les agents de la DTG : si vous ne vous mettez pas en grève pour arrêter les déplacements, nous pourrons vous licencier.
– les agents ne se laissent pas impressionner, et demandent la preuve juridique de cette affirmation le 22 mars : en une journée, 150 agents de la DTG signent une lettre à la Direction demandant l'explicitation de la preuve juridique en question.
– le 27 mars, la Direction annonce par une lettre aux agents des avancées qui ne sont que provocation (rien ne concerne les déplacements), et parmi les avancées, quelques menaces, dont l'analyse juridique, finissent de jeter de l'huile sur le feu… Les agents en colère, soutenus par CGT, FO & SUD, déversent leur colère et quelques menus détritus devant les portes de la Direction :

Le coup de théatre a peut-être lieu à ce moment-là, puisque le seul agent qui pète les plombs littéralement est un des directeurs adjoints de la DTG, menaçant des agents, tapant du pied dans des cartons…
– le 28 mars, exaspérés par le silence de la Dir, 100 pneus des voitures EDF et de location se dégonflent :

– tout au long de leur lutte, les agents de la DTG auront allié détermination, solidarité, interpellations à répétition de la Direction, et humour :

 

– une caisse de solidarité, à l'origine à destination des agents de la production, finira par être réinternalisée au vu du nombre d'heures de grève imposées par la Direction. L'intégralité de cette caisse de grève servira à indemniser les grévistes en lutte…
– le 28 mars, soit pile 50 jours après le début de la grogne, le Directeur annonce en CE, devant un parterre d'agents ayant envahi le CE, l'ouverture de négociations locales ! SUD lui demande si les déplacements feront partie des négociations locales ? La Direction réserve sa réponse pour lundi 3 avril, à 14 heures.
– le 29 mars, RTE nous fait parvenir son très récent accord local sur les déplacements avec une prime fixe de 50€ brut à 80€ brut (SUD adore les primes décorrellées du niveau de salaire) par nuit passée dehors et une prime annuelle de 2000€ pour ceux qui couvrent le territoire national (comme à la DTG, par exemple). Cet accord servira de plancher de négociations pour SUD ÉNERGIE. Cet accord semble coller avec les demandes des agents de la DTG rencontrés au fil de la lutte 😉

BILAN INTERMÉDIAIRE

Il aura fallu 50 jours de combat pour y arriver !
il aura fallu 450 signatures sur une pétition pour y arriver !
Il aura fallu 22 jours d’actions dangereuses pour y arriver !
Il aura fallu 4 mardis de la colère pour y arriver !
Il aura fallu 150 lettres à la DRH pour y arriver !
Il aura fallu bien des tensions dans les équipes !
Il aura fallu le pétage de plombs d’un membre du CODIR pour y arriver !
Il aura fallu le refus sans faille des agents de laisser la Direction diviser les syndicats en ne proposant qu’à un seul de négocier !
Il aura fallu le démarrage d’une caisse de solidarité bientôt soutenue par des centaines de salarié-e-s de la R&D !
Il aura fallu 10 pigeons pour y arriver !
Il aura fallu 4 souris blanches pour y arriver !
Il aura fallu 100 pneus dégonflés pour y arriver !
Il aura fallu des centaines de sacs dans 5 atriums pour y arriver !
Il aura fallu des banderoles pour y arriver ! Il aura fallu des feux de palette pour y arriver !
Il aura fallu des pannes réseau pour y arriver !
Il aura fallu des vols de souris pour y arriver !
Il aura fallu se lever tôt et se coucher tard pour y arriver !
Il aura fallu des nuits blanches de stress à espérer que personne ne se fasse sanctionner dans ce mouvement pour y arriver !
Mais pour n'arriver qu'à ouvrir des négociations ! Dans quel monde de fous vivons-nous à devoir déployer autant d'énergie et d'imagination pour n'obtenir que le droit de discuter et de se mettre au travail ? Espérons que la suite sera plus rapide, productive, constructive et réjouissante 😉

JOURNAL DE BORD

Pour ne pas oublier les 250 agents disséminés dans les échelons, et pour tenir allumé le feu de la lutte, SUD ÉNERGIE aura écrit plus de 26 bulletins d'information relatant sur le mode journalistique le journale de cette lutte. Le bulletin le plus symbolique de cette lutte originale et longue sera sûrement celui adressé à Antoine Cahuzac : "On n'est pas des pigeons !". La direction a publiquement dénoncé notre travail, mais les agents ne sont pas dupes et savent le rôle qu'auront joué la CGT, FO et SUD dans la construction et la cohésion de cette lutte.
Rien de tout ce que vous avez lu ici n'est jamais arrivé dans cette unité qui est pourtant la plus vieille d'EDF et la seule à avoir survécu à toutes les transformations de notre entreprise depuis 1946. N'en croyant pas leurs yeux (on leur a envoyé nos 26 bulletins), deux piliers de la CGT combative du XX° siècle sont venus voir de leurs propres yeux ce qu'ils prenaient pour des photos truquées sur photoshop 😉 La grande joie du moment est liée au fait que les victoires sont rares dans ce monde qui méprise les salariés. Et cette lutte victorieuse (en attendant le résultat des négociations) redonne à tous et à chacun le goût de la lutte collective, démontre qu'ensemble, on est plus forts et que nos grands patrons ne sont que des géants aux pieds d'argile !

À suivre…

En Bonus :