A EDF R&D, une rentrée sous de biens sombres auspices … qui appelle à la vigilance et à la résistance

Le contexte national tout d’abord avec l’adoption, malgré une forte mobilisation, d’une loi Travail qui constitue un véritable détricotage du droit du travail, notamment : une inversion de la hiérarchie des normes, renvoyant à la négociation d’entreprise de protections jusqu’à présent garanties par la loi, en particulier sur la durée du travail ; une remise en cause de fait des 35 heures, avec par exemple une possibilité de  passer à une moyenne hebdomadaire de 46 heures sur 12 semaines, sur simple accord d'entreprise, ou de réduire le taux de majoration des heures supplémentaires de 25 à 10%, là encore sur simple accord d’entreprise ; une extension des critères permettant les licenciements économiques (possibles en cas de simple "baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires") sur une période courte – 1 à 3 trimestres selon la taille de l’entreprise ; etc.

Hinkley Point : vrai projet industriel ou fuite en avant « nucléariste » ? L’engagement d’EDF dans ce projet représente un risque financier et industriel très lourd, dans une situation où aucun projet d’EPR n’est encore arrivé à son terme. Ce risque a été pointé par de nombreux observateurs et acteurs, dont les organisations syndicales toutes tendances confondues hormis la CFDT, Il a même conduit à la démission le directeur financier, T. Piquemal.

Hinckley Point représente également une nouvelle expression de la stratégie du « nucléaire coûte que coûte », menée au pas de charge pour des raisons de positionnement commercial d’EDF ayant peu à voir avec un engagement de Service Public. Il serait nécessaire d’investir bien plus qu’aujourd’hui dans la transition énergétique – énergie renouvelable, stockage et réduction de la consommation en particulier, mais également sur les problèmes toujours non-résolus du parc en exploitation – dont le démantèlement des centrales et le traitement des déchets. Mais le Groupe préfère continuer à concentrer ses moyens financiers et techniques sur la filière nucléaire : aux investissements de 21 milliards d’euros supportés à 66,5 % par EDF dans Hinkley Point, s’ajoutent 100 Mds € de programme de maintenance du parc français sur la période 2014-2030 (dont « Grand Carénage »)  laissant une place minime aux investissements liés aux autres filières de Production.  Mais que se passerait-t-il si cette stratégie échouait sur le plan financier ou technique, si la pénétration et la compétitivité  des ENR  rendaient caduque celle du nucléaire (notons que le prix « garanti » par le très libéral gouvernement libéral Anglais pour le MWh d’Hinkley Point, à environ 108 €/MWh dépasse celui de l’éolien et du PV au sol, même s’il n’est pas directement comparable car non intermittent …). Que se passerait-il en cas de décision politique de sortie du nucléaire,  ou si par malheur un accident intervenait ? Avons-nous un « plan B »? Il semble bien que non …

A cela s’ajoute un marché de l’Énergie qui marche sur la tête, avec des prix inférieurs aux coûts de production qui remettent en cause l’équilibre financier des entreprises du secteur … et une réponse totalement inadaptée d’EDF à cette situation, par des baisses d’effectifs et des coûts de fonctionnement qui ne feront que fragiliser l’Entreprise et le Service Public sur le long terme.


L’évolution de la R&D

Des effectifs en forte baisse

Pour l’élaboration du PMT (Plan Moyen Terme) 2015-2018, deux scénarios « enveloppe » d’évolution d’effectifs avaient été envisagés :

  • L’un avec une baisse de 5% sur 3 ans, dont 3% la première année
  • L’autre avec une baisse de 7% sur 3 ans, dont 5% la première année

Finalement, pour cette première année 2015, la baisse a été de 3,7%, soit environ -80 personnes pour un effectif fin 2015 de 2046 salariés. La Direction nous avait expliqué qu’elle préférait réaliser des baisses plus importantes la première année pour profiter de nombreux départs à la retraite, en particulier des femmes ayant eu 3 enfants ou plus, et que les deux années suivantes devraient connaître des baisses de l’ordre de 1,5 à 2%, dans la moyenne de celles annoncées pour l’entreprise.

Mais les annonces faites lors de la dernière intersyndicale sont très inquiétantes, en laissant présager une baisse bien plus forte que prévu. Ainsi,  les nouveaux scénarios pour les trois années à venir (2016 – 2019)  sont les suivants :

  • l’un avec une baisse de 9% sur 3 ans, dont 3% la première année,
  • l’autre avec une baisse de 15% sur 3 ans, dont 5% la première année,

Ainsi, même dans le scénario le plus « optimiste », la baisse envisagée en 2016 serait près de deux fois plus élevée que celle annoncée dans le plan précédent. Elle serait de 12,7% sur 4 ans (9% + 3,7% en 2015).

Dans le scénario le plus défavorable, la R&D perdait près de 19% de ses effectifs en 4 ans ! Et ce dans une période de pleine mutation, qui nécessite plus que jamais des efforts de recherche, nécessité d’ailleurs pointée dans la loi de transition énergétique !

Le Directeur RH a beau nous dire qu’il ne s’agit que de scénarios théoriques donnés aux départements et non du PMT, qu’il ne s’agit que d’une moyenne des baisses, pouvant être compensées d‘éventuelles hausses dans d’autres compétences, nous ne voyons pas comment cela ne pourrait pas correspondre à des scénarios d’évolution moyenne d’effectifs sur toute la R&D. D’ailleurs, les effectifs de 2015 se sont bien situés dans l’enveloppe annoncée dans les scénarios initiaux.

C’est réellement une baisse historique des effectifs de la R&D qui s’annonce et nous amènerait à une fourchette de 1740 à 1860 salariés en 2019, soit un niveau jamais atteint. Au regard des effectifs d’avant la libéralisation, en 2000, qui se montaient à 2700, ce serait une perte de 30 à 35% !

Et la tendance est toute aussi inquiétante que les chiffres eux-mêmes : si elle doit s’alourdir d’années en années, quel est l’avenir de la R&D ?

On voit d’ailleurs se dessiner de grandes manœuvres conduisant à la disparition de plusieurs départements : la fusion d’EPI et d’ENERBAT est d’ores et déjà annoncée, et on parle de la disparition de MRI qui serait absorbé par SINETICS et STEP et de celle de THEMIS, rattaché à AMA. On sait qu’en général, ce type de fusion s’accompagne de baisse d’effectif et de pertes de compétences.

La mise en place du Forfait-Jour 

Alors que les salariés, consultés par les organisations syndicales, s’étaient très majoritairement prononcés à plusieurs reprises contre le Forfait-Jour, (dont un vote « contre » à 70 % et  une pétition signée à plus de 50 %) , ils sont aujourd’hui 71% à être passés au Forfait-Jour (contre 89 % dans l’ensemble de l’Entreprise) dont 96,3%  dans la formule à 209 jours et 89% en engagement irréversible.

Pour analyser ces chiffres, il conviendrait de pouvoir isoler les thésards, de disposer d’informations par départements pour observer les dispersions, et d’avoir les résultats par tranches d’âges, certains salariés proches de la retraite ayant eu intérêt à « prendre les 2 NR ». Nous avons demandé ces détails.

La mobilisation, dans laquelle SUD Énergie a pris toute sa place, a permis de conserver l’accord de 1999 pour ceux qui le souhaitent : sur les 29% qui ne sont pas passés au forfait-jour, 214 cadres sont restés à 35h et 360 sont à 32h. Nous avons obtenu, avec d’autres organisations syndicales, que l’assiette de calcul déterminant la part des agents à 32H, n’inclut pas les salariés au Forfait-Jour : le « taux de 32h », sur les cadres, est donc de 63%  (360 / 574). Nous n’avons pas encore les chiffres pour les maîtrises, mais nous pouvons d’ores et d’jà considérer que les « 32h collectifs » sont maintenus.

Néanmoins, nous ne pouvons que regretter le très fort recul du nombre de salariés à 32h : ils étaient environ 50% avant le forfait-jour, soit entre 800 et 850 cadres. Ils sont aujourd’hui 360.

Parmi ceux qui sont passé au Forfait-Jour, certains pensent qu’ils pourront « continuer comme avant », en réduisant le nombre de jours travaillés dus dans le forfait par la conversion en temps de leur 13ème mois et de leur prime d’autonomie. Mais il est fort peu probable que la Direction et le management acceptent qu’un cadre ayant bénéficié des 2 NR continue à travailler à « temps partiel ». Ce genre de calcul se paiera sûrement sur la prime de recherche, l’avancement futur ou la part variable de la prime d’autonomie … D’ailleurs La Direction n’a pas caché que « un des critères de la prime d’autonomie variable est la disponibilité ».

En fait, Il semble qu’une très large majorité des cadres ayant opté pour le Forfait-Jour, et tout particulièrement ceux qui étaient aux 32 heures collectives, l’aient fait par crainte « de ne pas être dans la norme » imposée par la Direction, et d’en subir les conséquences sous forme de stigmatisation, d’isolement, de discrimination. Et il est vrai que les pressions exercées dans certains groupes,  malheureusement laissées sans réaction, pour ne pas dire assumées, par M. Sahla en Comité d’Etablissement, ont joué un rôle dans la mise en place de cet état d’esprit.   La Direction n’a donc pas à se réjouir de ce résultat obtenu par la contrainte …

L’allongement du temps de travail est pour nous un recul sociétal, face à un chômage de masse, un besoin d’égalité professionnelle qui passe par la réduction du temps de travail. Cela représente aussi une dégradation des conditions de vie des salariés.

A cela s’ajoute le changement de nature du contrat de travail, avec un engagement aux objectifs, dont les effets et les risques se feront sentir sur le long terme.

Nous regrettons ce que nous considérons comme un recul majeur, contraire au « sens de l’Histoire ». Nous regrettons que l’unité syndicale n’ait pu être préservée pour l’empêcher.

Nous serons bien sûr vigilants à toute forme de discrimination qui pourrait s’abattre sur les salariés ayant fait le choix de rester à l’accord de 99. Quant aux salariés au Forfait-Jour, nous veillerons à ce que les « flexibilités » promises par la Direction soient effectives et à ce que leur charge de travail reste cohérente avec une durée du travail annuelle équivalente à des journées de huit heures.

Une orientation de plus en plus centrée sur la rentabilité à court terme de la R&D

Cette orientation clairement exprimée dans le plan stratégique, que nous avons analysée dans un précédent tract,  peut être résumée comme suit : une R&D plus « orientée business », c’est-à-dire se transformant en prestataire des entités opérationnelles ; une externalisation de l’«innovation en rupture» dans des structures de type start-up, la recherche de financements extérieurs, une R&D amont délaissée dans un contexte de baisse des ressource, l’absence de véritable stratégie long terme de recherche.

Et maintenant ?

La situation que nous vivons aujourd’hui trouve sa source dans la privatisation d’EDF-GDF et  libéralisation du marché de l’Energie au début des années 2000, évolution que nous avons combattue et maintes fois dénoncée.

Mais les décisions délétères que nous subissons aujourd’hui  ne sont pas une fatalité.

La mobilisation des salariés, sous toutes ses formes, est essentielle pour les contrecarrer


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