EDF attaque en justice des représentants du personnel élus en CE

Trois élus du CE, SUD, CGT et FO de la Direction Technique Générale d'EDF écrivent aux salariés de cette unité

Et ne se laissent pas démonter par cette tentative d'intimidation : en fin de message, un petit aperçu musical du travail syndical "décalé" de nos sudistes de la DTG

Grenoble, le 26 juin 2017

 
EN RÉSUMÉ : Le premier procès intenté par la Direction de la DTG à l’encontre de vos représentants syndicaux en CE a eu lieu avant-hier, au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Grenoble. La CGT, FO et SUD y étaient, pour défendre vos droits, et la légitimité d’un syndicalisme de terrain, proche des salariés. En jeu ? L’utilité de votre Comité d’Établissement, ni plus ni moins. Les détails à lire ci-dessous…
 
 
LES FAITS : Lundi 26 juin, à 13h45, la Direction assignait vos Représentants du Personnel en Comité d’Établissement (CE) de la DTG devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Grenoble.
Une première dans l’histoire de la DTG.
 
LE MOTIF : Vos représentants ont osé demander lors du CE du 11 avril dernier l’aide d’un expert comptable (aux frais d’EDF, tel que prévu par la loi) pour mieux vous représenter. Les sujets concernés par ces demandes d’expertises sont l’examen de la politique sociale et de la situation économique et financière de l’établissement (la DTG) dans le contexte dégradé que vous connaissez. Cette expertise aurait pu nous éclairer sur la baisse des effectifs, l’efficience de la sous-traitance, les conséquences du forfait jour, la distribution des primes… La Direction conteste notre droit élémentaire à nous faire assister d’un expert et veut simplement faire annuler ces deux expertises.
 
L’OBJECTIF RECHERCHÉ PAR EDF SA : Réduire les Comités d’Établissements à de simples chambres d’enregistrement, mettre à mal le syndicalisme de terrain, et aborder les sujets importants dans le seul CCE (Comité Central d’Entreprise) pour tout EDF SA, ce qui lui permettrait d’être encore moins transparente sur tous ses projets.
 
LE CONTEXTE : Yves GIRAUD, Directeur de la DPIH a donné l’ordre à tous les Directeurs d’Unité de poursuivre leurs CE dès l’instant où ces derniers demanderont une expertise annuelle sur la situation économique et financière ou sur la politique sociale. Tous ont obéi, et 4 procès sont en cours :
  • Trois sur la seule situation économique et financière, lancés à l’UP Sud-Ouest au TGI de Toulouse, à l’UP Méditerranée au TGI de Marseille et à l’UP Alpes en même temps que nous, à Grenoble ;
  • Le dernier sur la situation économique et financière ainsi que sur la politique sociale de la DTG (le CE de la DTG avait décidé de mettre l’accent sur les effectifs aussi).
Les syndicalistes de l’UP Alpes et ceux de la DTG étaient ainsi jugés au même moment lundi après-midi au TGI de Grenoble.
 
L’ESPOIR : Les TGI de Toulouse et Marseille ont été plus prompts à autoriser le déroulement de ces procès que celui de Grenoble, et leurs délibérés (décisions finales) sont tombés le 22 juin dernier, donnant raison sur toute la ligne aux représentants des salariés, et déboutant les directions de l’UPSO et de l’UP MED sur l’ensemble de leurs demandes.
 
 
BREF COMPTE-RENDU D’AUDIENCE :
 
ABSENTS : la Direction de la DTG, et les représentants en CE de la CFDT et de la CGC.
Bien qu’eux aussi attaqués, CFDT et CFE-CGC, par leur absence au TGI, et leur silence depuis plus de deux mois sur le sujet, pourraient signifier qu’ils considèrent cette attaque de la Direction contre l’ensemble des représentants du personnel, et par là même contre les agents, comme étant totalement légitime ? Une chose est sûre, étant donné qu’ils représentent près de 40% des agents de la DTG, leur absence aura pesé, et pourra faire le jeu de la Direction dans ce procès historique dont les effets pourraient, comme expliqué plus loin, dépasser notre seule entreprise. Nous leur laissons le soin de vous communiquer leur position sur ce sujet.
Quant à la Direction, aurait-elle eu peur de se présenter devant vos représentants et devant la Justice ? Cette absence ne manque pas d’étonner, quand on sait que c’est la Direction qui a assigné le CE de la DTG en justice…
 
PRÉSENTS : Rudy PREPOLESKI (Représentant Syndical CGT en CE) – Thomas JOUD (élu FO en CE) – Philippe ANDRE (élu SUD et secrétaire du CE de la DTG)
 
ENJEU : Depuis longtemps, les grands groupes rêvent de vider de tout contenu les consultations obligatoires des Comités d’Établissements et ainsi retirer le contre-pouvoir qu’il leur reste, en contestant devant la Justice les dernières possibilités légales des Comités d’Établissements de pouvoir recourir à des expertises annuelles (politique sociale et situation économique et financière en l’occurrence). Ces expertises permettent à vos représentants de se faire aider par des experts compétents dans leurs domaines, d’ y voir plus clair, et forcent aussi la Direction à plus de transparence. De longue date, la Justice a majoritairement donné raison  aux salariés : la Cour de Cassation a même été jusqu’à rendre un avis définitif sur le sujet pour stopper net les velléités du MEDEF.
Mais la loi Rebsamen d’août 2015 est arrivée, et avec elle, une volonté du législateur de simplifier le dialogue social. EDF, en fer de lance du MEDEF, cherche depuis à faire réécrire la jurisprudence pour limiter le pouvoir des expertises annuelles sur la politique sociale et sur la situation économique et financière aux seuls CCE des grands groupes industriels et autres.
L’enjeu de ce procès est terriblement actuel, quand on pense aux luttes à venir contre les ordonnances Macron/Philippe. Il s’agit ni plus ni moins d’affaiblir le travail syndical de proximité dans les entreprises. Un enjeu majeur, national, et que le MEDEF suit de près, soyez-en certains.
 
PLAIDOIRIE D’EDF (30 minutes) : L’avocat d’EDF a martelé que si les syndicats étaient allés dans la rue contre la loi Rebsamen (ce qui ne s’est pourtant pas produit pour cette loi), c’est bien parce qu’elle était là pour remodeler le dialogue social pour les patrons, et maintenant, les voilà de retour (les syndicats) pour dire qu’elle n’a rien changé. Son principal argument est assez tordu : à EDF, les établissements (UP, DTG, CIH…) ne seraient pas des centres de profits et donc ne gèreraient pas d’argent. Le récent passage des unités de la DPIH en comptes de résultats ne fait pourtant que renforcer cette réalité. Suivant la logique de l’avocat de la direction, le directeur d’unité n’aurait pas de pouvoir décisionnel, et serait donc un agent comme un autre. La loi Rebsamen aurait définitivement ôté tout « pouvoir de nuisance » aux CE, et ce serait très bien ainsi. Suivant une stratégie étonnante, il a tenté de donner de la force à son argumentaire en tentant de tromper la présidente, parlant du droit d’alerte, des orientations stratégiques, pourtant totalement hors sujet. Sa plaidoirie s’est avérée selon nous peu convaincante et quelque peu incohérente. Gardons toutefois à l’esprit que si d’aventure, EDF venait à gagner, votre CE se transformerait d’un seul coup en organe inutile et désarmé… L’avocat d’EDF a d’ailleurs lui-même souligné l’enjeu important de ce procès pour les employeurs en général. Une victoire leur permettrait en effet d’écrire une nouvelle jurisprudence.
 
PLAIDOIRIES POUR LES REPRÉSENTANTS DE L’UP ALPES ET DE LA DTG (30 minutes chacun) : Nos avocats, côté UP Alpes comme côté DTG, ont insisté sur le but véritable de ce procès, à savoir casser toute la mécanique du Code du Travail en renvoyant le travail des CE vers le seul CCE, en transférant les prérogatives du CE vers le seul CCE. En vous éloignant de vos représentants, ces derniers ne seraient plus en mesure de porter votre voix suivant un travail local, ou ne pourraient plus vous donner certaines informations auxquelles ils n’auraient plus accès. Ils ont insisté sur l’absurdité de croire un instant efficace un fonctionnement où seul le CCE centralisé parisien saurait aborder l’ensemble des sujets concernant 80 000 agents, 8000 sites, 56 CE, des métiers aussi différents que la production, l’ingénierie, la recherche, le commerce… Ils ont insisté sur le statut de cadre dirigeant de nos directeurs, aux pouvoirs de signatures mirifiques, et entourés de DRH, SRH, MGF, toute une armée de salariés qui sont la démonstration que le lieu de gestion humaine et comptable est bien l’Établissement. Pour eux, la loi Rebsamen simplifie (en regroupant les 17 sujets prévus par la loi précédente en 3 sujets seulement) mais ne supprime en rien pas le droit des CE à avoir recours à une expertise annuelle. Les deux ont qualifié ce procès d’EDF de « bien mauvais », l’ont trouvé « sans fondement réel », accusant même EDF d’avoir lancé une guerre consistant à allumer différents foyers pour parvenir in fine à « torturer la Loi ». Neuf décisions ont déjà été rendues post-Rebsamen, dont trois à EDF (quand on vous dit que c’est un fer de lance du MEDEF), et toutes sont favorables aux salariés et à leurs représentants. Ils ont tous deux ajouté que le Sénat a d’ailleurs essayé en son temps d’amender le texte en envisageant de permettre à l’employeur de regrouper plusieurs expertises de différents CE sur le même sujet en une seule expertise. C’est Rebsamen lui-même, assisté de Michel Sapin, qui a retoqué cette demande du Sénat. On ne peut pas reprocher à Rebsamen de ne pas connaitre l’esprit de sa propre loi ! Pour finir, ils ont également pointé la schizophrénie de nos employeurs, qui prétendent par ailleurs avoir besoin des syndicats pour expliquer aux salariés les enjeux des mutations à venir !?
 
DÉCISION : Le délibéré sera rendu le 25 Septembre (vive l’été…)
En attendant, là où la Direction a déjà gagné, c’est que ces deux expertises n’ont toujours pas lieu, et que du coup, victoire à venir ou pas, vos représentants ne peuvent toujours pas argumenter sainement (avec l’aide d’experts compétents) et la transparence ne peut pas être obtenue sur des sujets aussi importants que l’emploi, la sous-traitance et l’austérité économique imposée.
 
 
Nous nous battons, CGT, FO et SUD, pour la survie d’un syndicalisme de terrain et de proximité, conscients de notre propre difficulté à être présents partout où il le faudrait. Nous sommes convaincus que vos problèmes concrets de tous les jours ne sont pas tous solubles dans le seul CCE, lequel représente l’ensemble des 56 comités établissements d’EDF SA. Pour illustrer cette conviction, laquelle ou lequel d’entre vous peut croire un seul instant que nos dernières luttes à la DTG (déplacements, IGD, magasin, déménagement…) auraient pu être portées par une instance aussi centrale et éloignée que le CCE ? Nous n’avons pas grand-chose à gagner dans ce procès, mais nous avons trop à perdre pour laisser la Direction continuer d’affaiblir le rôle des syndicats et piétiner le Dialogue Social comme elle le fait.
 
Rendez-vous le 25 Septembre…
 

En complément, un petit aperçu musical du travail syndical "décalé" de nos sudistes de la DTG:

" La direction de la DTG empêche notre CE de bosser, 
en contestant au TGI la légitimité de nos expertises, et ça commence à nous énerver.
alors voilà ce qu’on a fait hier après-midi avec une bande de sudistes déjanté-e-s 😉

des fois que ça devienne le tube de l’été…
bon, inutile de vous dire, ça n’a pas du tout plu à notre cher directeur ;-(
bises, et portez-vous bien !"