Une loi de transition énergétique soumise au marché

Une loi qui mélange objectifs écologiques et économiques

Cette loi se donne comme objectif de préserver la santé humaine et l’environnement, mais aussi de répondre au problème de l’emploi, de la croissance, du pouvoir d’achat, de la compétitivité des entreprises…

Soyons honnêtes : réduire drastiquement notre consommation d’énergie, faire face à l’épuisement des ressources naturelles, développer de nouvelles filières de production d’énergie exploitant des sources renouvelables, tout cela a peu de chance de se faire sans coût supplémentaire, du moins à court et moyen terme.

Au lieu de débattre sans fin sur les coûts comparés de l’éolien et du nucléaire, ou du solaire et du gaz (éventuellement de schiste), osons dire que ce critère n’est certainement pas le critère essentiel. D’ailleurs, personne ne sait évaluer ces coûts sur le long terme. Le coût du nucléaire, pourtant une filière « historique », était évalué à 32€/MWh par une étude publique de 2004[1], estimé par EDF à 45 € en 2011 lors de l’application de la loi NOME, puis évalué à 62 € par la cour des comptes en 2014, il sera vendu 114 € à la Grande Bretagne lors de la mise en services des deux EPR à Hintley Point !!

Personne ne sait évaluer précisément les coûts de démantèlement, de traitement des déchets…

Les coûts du solaire ont été divisés par quatre en moyenne de 2006 à 2014 (rapport de la CRE avril 2014) … Et qui peut prévoir l’évolution des prix du gaz, du charbon… ?

Le problème essentiel n’est pas le coût du KwH, mais la garantie d’un accès pour tous aux usages de première nécessité (qui doivent être gratuits, avec un tarif progressif au-delà, dans le cadre d’un tarif réglementé permettant une répartition équitable des coûts), une baisse de consommation, la sortie d’un système productiviste irresponsable écologiquement, le fait de favoriser une production industrielle et une organisation sociale plus sobres en énergie, des filières énergétiques avec une moindre empreinte écologique. Et cela passe par un tarif réglementé, pas par une course au moindre coût ni même au prix moyen de l’énergie le plus bas ! Mais aussi par des politiques économiques et sociales différentes.

La précarité énergétique, par exemple, pourrait être efficacement éradiquée même avec une énergie chère, en instaurant la gratuité que nous revendiquons pour les usages de première nécessité (y compris pour les transports de proximité). Par ailleurs, un plus juste partage des richesses et du travail est certainement la meilleure façon de combattre cette précarité énergétique, qui n’est qu’un volet d’une précarité globale.

De même, vouloir lutter contre les délocalisations et défendre la compétitivité des industries françaises par une baisse des prix de l’énergie est une impasse. Un modèle économique basé sur le dumping énergétique conduirait à une catastrophe écologique, tout comme un modèle basé sur le dumping social conduit à un désastre social. Il est normal – et même souhaitable – de pénaliser les produits fortement consommateurs d’énergie ou polluants. D’autres moyens existent pour protéger l’industrie française, et ils n’ont rien à voir avec une loi sur la transition énergétique (exemple : soutenir la demande locale plutôt que de privilégier les exportations, créer des emplois publics non dé-localisables, etc.). Au passage, l’industrie allemande se porte mieux malgré une énergie chère.

Enfin, pourquoi la question de l’emploi figure-t-elle dans les objectifs d’une loi sur la transition énergétique ? Il s’agit certes d’une contrainte à prendre en compte dans la mise en œuvre de cette loi, mais pas d’un objectif. Cette contrainte ne doit pas servir d’alibi pour défendre telle ou telle filière, ce choix devant être guidé avant tout par un objectif de préservation de l’environnement et de la santé des populations. Choisir une filière plutôt qu’une autre parce qu’elle « occupe » plus de salariés est aberrant : des gisements d’emplois presque infinis et non dé-localisables existent, bien sûr dans la transition énergétique (notamment dans la rénovation des bâtiments et le développement des transports publics), mais également dans tous les autres services publics – santé, éducation, petite enfance, dépendance, Recherche … Rappelons qu’un plus juste partage du temps de travail est sans doute la meilleure façon de répondre à cette question.

De même, renoncer à fermer telle ou telle centrale parce que cela « tuerait » de l’emploi local est absurde. Une telle décision doit être prise sur des critères environnementaux, de sureté ou purement techniques. L’Etat a le devoir et les moyens d’assurer un accompagnement social de qualité, à condition d’anticiper de telles décisions sur du long terme.

Aujourd’hui, la principale crainte des salariés face à la fermeture des centrales nucléaires et thermiques tient essentiellement à l’absence de perspectives d’évolution ou de reconversion dans d’autres filières, au sein de l’entreprise (ou plus généralement des entreprises du secteur électrique sous statut), et non au principe-même de ces fermetures.

Ne mélangeons pas tous les problèmes, cessons d’instrumentaliser la question de l’emploi ou du pouvoir d’achat !

Notre société est bien plus riche qu’au lendemain de la guerre : elle a les moyens de financer une transition énergétique qui garantisse l’avenir de tous, tout en améliorant dès aujourd’hui les conditions de vie des plus démunis, même si cela passe par une hausse globale des prix de l’énergie.

[….] (article complet sur 4 pages. Lire la suite de l’article en sélectionnant ci-dessous les pages une à une. ou télécharger le fichier PDF du document)