Communiqué – Le gouvernement veut imposer des tarifs de l’électricité basés sur les prix de marché « aberrants », à l’inverse de toutes les promesses

Le gouvernement vient d’annoncer la suppression progressive du bouclier tarifaire pour l’électricité d’ici à fin 2024 pour « rationaliser les dépenses publiques », ce qui entraînera « une augmentation progressive des tarifs de l’électricité », afin « de revenir aux tarifs de marché », précisait Gabriel Attal il y a quelques jours.

Une augmentation de 10% sera déjà appliquée en août, après celle de 15% en février dernier. C’est beaucoup, mais si le bouclier avait totalement disparu, elle aurait été de 74% d’après la Commission de Régulation de l’Énergie. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? Impossible à dire, sauf à lire dans le marc de café l’évolution de la géopolitique et des tensions sur le cours du gaz. Mais l’évolution récente des prix de marché montre que les augmentations pourraient être spectaculaires.

Pourtant, les coûts de production de l’électricité sont, eux, bien prévisibles et n’augmenteront pas vite les prochaines années, malgré les investissements nécessaires à la transition énergétique. Ainsi RTE, dans ses scénarios prospectifs (Futurs énergétiques 2050), prévoit-t-il une augmentation des coûts de 15 à 30% d’ici 2050, soit entre 0,5 et 1% par an. Même en supposant qu’il a sous-estimé cette évolution, ce n’est clairement pas elle qui posera problème mais bien les prix de marché, « aberrants » comme le dénonçait Bruno Le Maire … le 24 septembre 2021 !

Ce sont bien ces prix de marché, déconnectés des coûts de production de l’électricité, ultra-volatiles et incontrôlables qui sont responsables des envolées de facture. Depuis le début de la crise, les consommateurs dans leur ensemble paient bien plus cher que ce que coûte l’électricité. Cela se compte en dizaines de milliards d’euros, malgré les « aides » du gouvernement. Ces milliards sont allés dans la poche des énergéticiens, producteurs et fournisseurs, comme le montrent les résultats exceptionnels de certains, par exemple Engie et TotalEnergies. Et ils ont été largement reversés sous forme de dividendes aux actionnaires. Ce sont donc eux que l’État a « aidés », pas les consommateurs.
La seule solution rationnelle et juste serait de remettre en place un tarif réglementé pour tous les consommateurs, basé sur les coûts de production et d’acheminement de l’électricité en France, en incluant les coûts et recettes d’import-export.

Si les tarifs réglementés dont bénéficient encore les plus petits consommateurs (dont les particuliers) dépendent aujourd’hui en partie du prix de marché, c’est parce que la Commission européenne l’a imposé, pour faire de la place aux fournisseurs alternatifs. Avant 2016, les tarifs reflétaient simplement les coûts.

Quant aux moyenne et grandes entreprises et communes qui n’ont plus accès au tarif réglementé, elles ont subi de plein fouet des augmentations stratosphériques, de 300, 400, 1000%, engendrant une crise majeure.

Après deux ans de tergiversations, la « réforme en profondeur du marché de l’électricité » était censée enfin résoudre cette dépendance absurde des prix de l’électricité à ceux du gaz, les rendant si volatils. Or qu’en sort-il ? Exactement le contraire ! La proposition de la Commission et du Parlement européen consiste à supprimer, sauf cas exceptionnels, les tarifs réglementés de vente. En clair, à exposer les plus petits consommateurs à ce qu’ont subi entreprises et collectivités !

Les autres mesures censées limiter l’exposition aux prix de marché ne seront pas en mesure de stabiliser les prix (voir critique détaillée de la réforme).
En résumé, les faillites, l’inflation, l’augmentation de la précarité, le blocage des investissements liés à cette crise de l’énergie ne pèsent rien face aux lobbies et au dogmatisme.
Combien de temps va-t-on encore accepter cela ? Combien de temps va-t-on se soumettre au nom de la « libre concurrence » gravée dans les textes européens ?
Il existe pourtant une proposition détaillée, simple et validée par de nombreux experts, qui permet de sortir de ce chaos. Il s’agit de refonder un service public s’appuyant sur des tarifs réglementés, une propriété publique des moyens de production tout en restant intégrés aux mécanismes d’échange d’électricité avec nos voisins, sans remettre en cause la construction européenne. Il est temps de la mettre en débat.